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Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ?

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Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ? Empty Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ?

Message  PatrickB Ven 1 Nov - 18:16

Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ?

A l’occasion des vacances de Toussaint l’un de mes petits fils devait lire un livre proposé par sa prof de Français et recommandé par l’éducation nationale : « cris ».
Il a 14 ans en classe de 3ème. Poussé par la curiosité et par l’amour de la lecture je me suis emparé du livre et me voilà à le lire.
Oh stupeur, à la page 43, je tombe sur ce passage :

« Je me souviens que la dernière fois, ce qui m'avait le plus frappé, c'étaient les femmes dans la rue. Partout. Toutes habillées. Toutes parfumées. J'avais oublié. Oublié au point même de ne pas m'y être préparé. Je pensais tout simplement que cela n'existait plus. Mais elles étaient là. Elles remplissaient les rues. Je ne les quittais plus des yeux. Je les regardais toutes. Et tout au fond de moi naissait un désir que j'avais oublié. C'était comme si mon sexe avait dormi pendant des mois et qu'il se réveillait d'un coup. Je ne me souvenais plus de la sensation que cela faisait de sentir son sexe. Comme une partie de son corps. La plus vivante, la plus chaude, la plus tendue. J'avais oublié à force de ne m'en servir que pour pisser que l'on pouvait bander. Je regardais toutes ces femmes. Je les suivais. Et je faisais tout pour ne pas quitter du regard leur déhanchement. Ce que j'imaginais de la chute des reins. Le désir était là et il n'était pas question de s'y soustraire. Il fallait assouvir la faim du nouveau-né. Je n'avais pas pensé à cela. J'étais venu à Paris avec l'unique souci de me reposer. De louer une chambre dans un hôtel et d'y dormir durant sept jours. Et je pensais que l'unique enjeu serait de trouver le sommeil et de m'y accrocher. J'avais établi des plans pour cela. J'étais prêt à m'assommer d'alcool pour dormir. Mais aux femmes, non, je n'avais pas pensé.
Imbécile que j'étais. Mon sexe s'était réveillé et il ne fallait plus penser dormir.

Aujourd'hui, ce sera la même chose. Comme la dernière fois. Le choc des femmes. Lorsque je ferai mes premiers pas dans Paris. J'en suivrai une jusqu'à ce qu'elle remarque ma présence. J'en suivrai une et je la déshabillerai des yeux. Il faut que je me calme, il faut lutter contre les coups de boutoir' du corps. Il crie. Il appelle. Il veut manger. Il veut jouir. Il faut lutter. Je me sens prêt à violer. Il faut que je me calme. Le temps a passé, Jules. Tu es vieux de milliers d'années. Tu es vieux des tran-chées. Ton corps est ridé de tous ces obus, de toutes ces balles tirées. Un homme qui a appris à tuer, un homme qui a tenu un fusil, qui a dû se plier aux règles de la peur et de la survie sauvage comme tu l'as fait, sait-il encore s'occuper d'une femme ?
Tu vas la déshabiller et l'étreindre, tu vas l'enlacer et qui te dit alors que tu ne l'étrangleras pas ? Que tu ne la frapperas pas au visage ? Car les seules étreintes que tu aies connues, les seules étreintes d'aussi loin que tu te souviennes, sont des étreintes de mort. Et si tu parviens à faire taire les réflexes de ton corps qui font de toi un tueur, est-ce que tu parviendras à retrouver le plaisir ? La jouissance est loin, Jules. Quand tu bandais au front, c'était de toute la longueur d'un fusil, et tes éjaculations étaient de feu. Tu es allé trop loin. Bien au-delà de ce dont le corps peut se souvenir. Tu es allé trop loin et tu ne pourras pas revenir. Il faudra que tu contrôles tes yeux. Que tu regardes la rue. Que tu regardes les voitures. Que tu regardes tes pieds. Tu n'es plus un homme, Jules, tu n'es plus un homme, tu es une bête fauve qui veut manger par la bouche, manger par le sexe, et boire toute la nuit ».

En tant que pédiatre je suis un peu choqué, compte tenu de l’âge du lecteur et de la recommandation de l’éducation nationale.

D’abord en tant qu’homme : comment alors qu’à cet âge où se met en place la sexualité, les rapports homme-femme, peut-on faire lire de tels écrits aussi crus à des enfants. Pour les garçons ils se trouvent en position de prédateur ne voyant que dans la femme l’assouvissement de ses désirs et l’objet de sa jouissance. Et pour les filles les femmes y sont présentées comme des proies, des objets de désir et de jouissance. Pas comme une personne complémentaire d’un couple autre qu’un partenaire sexuel.
Exit l’amour, la famille, les sentiments, la construction d’un couple

En tant que médecin de la méconnaissance de la dépression (il s’agit d’un soldat de 14-18 qui rentre en permission après l’épreuve du front et qui présente tous les signes dépressifs) en effet dans la dépression du syndrome de stress post traumatique, il existe dans la grande majorité des cas une perte de la libido et de l’impuissance. Donc bien loin des fantasmes mis en écrit par le romancier.


Ensuite en tant que simple citoyen français dont un grand père a fait 14-18, Verdun où il a été gazé puis la campagne de Turquie. (Au total un peu moins de 3 ans de service militaire obligatoire et 4 ans de guerre). Rentré au bercail avec une médaille, il se marie, a 2 enfants dont mon père et meurt 4 ans plus tard d’une complication pulmonaire laissant 2 enfants (le dernier de 3 mois) et une veuve (ma grand-mère) obligée de cumuler 2 emplois (receveuse des postes et fermière) pour les élever sans pension d’état. Les lettres des « poilus » qui témoignent de leurs pensées sont loin, très loin des élucubrations romanesque de l’auteur. C’est une atteinte à la mémoire de ceux qui sont morts pour défendre leur patrie que de leur prêter de tels sentiments. (je précise je ne suis en aucun cas un "militariste" ni un adepte de "famille patrie travail" mais de "liberté, égalité, fraternité"

Ci-joint la lettre depuis les tranchées d’un grand oncle de ma femme, qui bien sûr vous paraîtra d’une naïveté débordante, mais qui témoigne de l’état d’esprit ce cette époque.
« Ma bien chère petite mère
Je me réservais de t'écrire demain dans la journée, mais comme tu me l'as si souvent dit : l'homme propose et Dieu dispose. Et cela est vrai maintenant plus que jamais. Le combat redouble d'intensité depuis ce matin, c'est-à-dire qu'il n'y a pas une minute d'arrêt. Les boches doivent avoir devant nous une artillerie formidable.
Mon bataillon part demain avant le lever du jour, donc je ne serai plus longtemps avant d'entrer dans la lutte même, aussi je ne vais pas tarder à m'allonger sur ma paille, je dirai mon chapelet et m'endormirai en pensant à toi, à vous tous que j'aime. Puis ce sera fini du sommeil, car dans la situation où nous sommes, il n'y a plus de nuit pour se reposer, la lutte est aussi violente la nuit que le jour et combien de jours cela va-il durer ?...
Il ne faut pas, ma chère petite mère, te tourmenter sur mon sort, je dois faire mon devoir et si le bon Dieu le veut bien, il m'épargnera. Que sa sainte volonté soit faite, et pour nous prions et offrons-lui ces souffrances. Je comprends les tiennes, l'angoisse de ne pas savoir ce que je deviens si tu ne reçois pas de lettre, mais il faut bien comprendre que là-bas je ne pourrai pas t'écrire, fort probablement, bien sûr je ferai l'impossible pour t'envoyer ne fusse qu'un mot, et puis toute la famille t'entoure et saura te réconforter dans cette épreuve. Quant aux miennes, mieux vaut ne pas en parler et je les offre en union avec celles du divin maitre, dont la fête de la passion approche. C'est donc, bien entendu, il ne faut pas t'inquiéter, vous prierez tant que le bon Dieu, la sainte Vierge et saint Joseph ne seront rester sourds à vos prières et bientôt, car je crois que ce sera le coup final, nous pourrons nous retrouver réunis et revivre à nouveau des bons jours en famille. Je ne manquerai pas de prier, ce soir, l'âme de mon cher Papa qui est là-haut et certainement veillera sur moi et me protègera C'est demain dimanche, j'avais l'intention d'assister à la messe du matin et d'y communier, Je ne pourrai pas malheureusement car nous partons de bonne heure. Quoi qu'il arrive, je suis prêt et saisirai la prochaine occasion pour communier de nouveau. Je vais aller remettre cette lettre ce soir pour qu'elle puisse partir demain, aussi je te quitte en te serrant bien fort contre moi, en te souhaitant le bonsoir, et à bientôt nous revoir.
Je l'embrasse de tout cœur ainsi que la chère Ziquette, tante Ernestine et Marie, Georges, Madeleine, Vévette et Gérard (le père de mon épouse). Du courage et confiance le bon Dieu peut tout.
De tout cœur ton fils qui t'aime et de loin te demande ta bénédiction »

Voilà donc « la littérature : roman cris » que l’on fait lire aux enfants. On s’étonne qu’ils puissent être désabusés, dépressifs, voire harceleurs (ou euses). Une vie réussie c’est une vie ou l’on réalise ses rêves. Un « grand homme » c’est un homme dont un haut dessein emplit l’âme et le front. Il est des romans littéraires qui permettent de remplir le rôle d’apprentissage à l’appétence de la lecture, à la discussion par exemple « Rouge Brésil »…

Attention cette critique ne vise pas l’auteur que je respecte en tant qu’homme et de ses engagements humanitaires pour lesquels je partage certains points de vue (je suis calaisien et partisan de l’aide aux migrants voire même d’un passage organisé et sécurisé vers l’Angleterre), mais simplement opposé au fait de faire lire à des enfants des écrits crus sur la sexualité dans un cadre scolaire. J’estime que ce n’est pas approprié et pas assez discuté auprès de professionnels (psychologues, pédo-psychiatres, pédiatres).
Notre humanité est à un tournant et il me semble important qu’un enseignement éthique et responsable avec des acteurs multiples sur le choix des programmes, puisse permettre d’éviter la barbarie et la venue au pouvoir d’irresponsables incultes et populistes. Éveillons les enfants à la philosophie plutôt qu’à leurs instincts.
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Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ? Empty Re: Dilemme éducatif : peut-on donner tout à lire à un jeune ?

Message  MurielB Sam 2 Nov - 11:33

Teilhard de Chardin a écrit:« J’affirme, pour moi, que, sans la guerre, il est un monde de sentiments que je n’aurais jamais connus ni soupçonnés. Personne, hormis ceux qui y auront été, ne saura le souvenir chargé d’émerveillement qu’un homme peut garder de la plaine d’Ypres en avril 1915, quand l’air des Flandres sentait le chlore et que les obus coupaient les peupliers, le long de l’Yperlé, ou bien des côtes calcinées de Souville, en juillet 1916 quand elles fleuraient la mort. Ces heures plus qu’humaines imprègnent la vie d’un parfum tenace, définitif, d’exaltation et d’initiation, comme si on les avait passées dans l’absolu. »

Ce que Teilhard de Chardin a ressenti pendant la première guerre mondiale et ce que mon grand oncle a éprouvé sont tellement éloignés des écrits de l'auteur de "cris" que non seulement il insulte la mémoire de nos soldats qui ont donné leur vie pour notre liberté mais que le manque d'information sur l'état d'esprit des combattants est une fabulation qui en aucun cas ne devrait faire partie des livres référents de l'éducation  nationale

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