Pas sérieux
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Pas sérieux
Jeudi après-midi, la plage. Une mouette explose les paquets d'embruns en lançant son cri déchirant dans la ouate du printemps. Satisfait du paquet de frites que je viens d'acheter, et que je m'apprête à dévorer sur le champ, je prends place sur un banc, face à la mer, stoïque.
J'entends au loin un bateau hurler sa corne de brume, tandis que les frites croustillent sous la dent, arrachant au passage le dernier chicot de fortune.
Insensiblement, mû par quelque raison propre à mon cerveau, mais étranger à ma conscience, je tourne la tête vers la gauche et découvre, surpris, qu'un être humain présentant toutes les caractéristiques d'une femme s'est installé à l'autre bout du banc.
Je remarque les bas fatigués, l'imper froissé, les cheveux blonds filasses.
Elle regarde la mer, immobile. Elle semble passionnée par le balai des voitures qui passent et repassent le long de la digue et s'arrêtent parfois sur une place de parking, face à l'Angleterre.
Je continue de manger mes frites, pénétré de l'importance vitale de leur jeter un sort.
Ma voisine ne bouge pas d'un pouce. Elle ne mange pas, ne fume pas. Elle va se momifier, stupéfiée par le froid.
Interpellée par mon regard, elle tourne alors la tête vers moi, doucement. Puis se retourne à nouveau vers elle-même.
J'ai eu le temps de saisir son regard, dans lequel un indicible malheur baignait de tout son long. La souffrance morale la laissait sans force, incapable d'exprimer quoi que ce soit. Sinon le désespoir.
Je voulais l'aider, me rapprocher d'elle mais, scotché par le froid, je me rendais compte qu'elle n'était que mon miroir, le reflet de mon propre effroi.
Nous restâmes comme deux flans, immobiles, désemparés, stupides, vidés d'amour, déjà morts.
La femme se leva enfin et repris sa marche d'un pas mal assuré, claudiquant. Une mouette l'agaça à la frôler mais mon double entreprit de descendre la digue et de marcher vers la plage. Au bout de quelques mètres, elle vacilla, se redressa, avança encore de quelques mètres puis s'affala pour de bon, contre un chalet.
Cette fois-ci, alerté, muni d'un bon prétexte, je la rejoignis et la pris dans mes bras.
Ses yeux bleus plongèrent dans les miens puis elle laissa retomber sa tête dans mon cou, abandonnée, lasse.
Je perdis mon visage dans ses cheveux et restai coi, transi.
Malgré le froid, nous nous sommes endormis.
Un peu plus tard, nous nous sommes réveillés. Grelottants, incapables de lever le camp, nous avons décidé de forcer la porte d'un chalet. Nous sommes rentrés, avons refermé la porte et nous sommes allongés côte à côte.
Puis nous nous sommes aimés toute la nuit.
Elle est aujourd'hui enceinte. Son nom : Carla Brownie.
J'entends au loin un bateau hurler sa corne de brume, tandis que les frites croustillent sous la dent, arrachant au passage le dernier chicot de fortune.
Insensiblement, mû par quelque raison propre à mon cerveau, mais étranger à ma conscience, je tourne la tête vers la gauche et découvre, surpris, qu'un être humain présentant toutes les caractéristiques d'une femme s'est installé à l'autre bout du banc.
Je remarque les bas fatigués, l'imper froissé, les cheveux blonds filasses.
Elle regarde la mer, immobile. Elle semble passionnée par le balai des voitures qui passent et repassent le long de la digue et s'arrêtent parfois sur une place de parking, face à l'Angleterre.
Je continue de manger mes frites, pénétré de l'importance vitale de leur jeter un sort.
Ma voisine ne bouge pas d'un pouce. Elle ne mange pas, ne fume pas. Elle va se momifier, stupéfiée par le froid.
Interpellée par mon regard, elle tourne alors la tête vers moi, doucement. Puis se retourne à nouveau vers elle-même.
J'ai eu le temps de saisir son regard, dans lequel un indicible malheur baignait de tout son long. La souffrance morale la laissait sans force, incapable d'exprimer quoi que ce soit. Sinon le désespoir.
Je voulais l'aider, me rapprocher d'elle mais, scotché par le froid, je me rendais compte qu'elle n'était que mon miroir, le reflet de mon propre effroi.
Nous restâmes comme deux flans, immobiles, désemparés, stupides, vidés d'amour, déjà morts.
La femme se leva enfin et repris sa marche d'un pas mal assuré, claudiquant. Une mouette l'agaça à la frôler mais mon double entreprit de descendre la digue et de marcher vers la plage. Au bout de quelques mètres, elle vacilla, se redressa, avança encore de quelques mètres puis s'affala pour de bon, contre un chalet.
Cette fois-ci, alerté, muni d'un bon prétexte, je la rejoignis et la pris dans mes bras.
Ses yeux bleus plongèrent dans les miens puis elle laissa retomber sa tête dans mon cou, abandonnée, lasse.
Je perdis mon visage dans ses cheveux et restai coi, transi.
Malgré le froid, nous nous sommes endormis.
Un peu plus tard, nous nous sommes réveillés. Grelottants, incapables de lever le camp, nous avons décidé de forcer la porte d'un chalet. Nous sommes rentrés, avons refermé la porte et nous sommes allongés côte à côte.
Puis nous nous sommes aimés toute la nuit.
Elle est aujourd'hui enceinte. Son nom : Carla Brownie.
Remy- Messages : 3178
Lieu : Calais
Langues : Français (Langue maternelle), Gb
Re: Pas sérieux
Merci pour ta prose époustouflante, Remy
_________________
La langue c'est Le Lien,
Language is The Link,
La Lengua es el Nexo de unión,
Sprache ist die Verbindung,
Il Linguaggio è Il Legame,
La Lingvo estas La Ligilo etc.
MurielB- Admin
- Messages : 18966
Lieu : Calais
Langues : Français (Langue maternelle), Espéranto, Gb, De, It, Es, chinois
Re: Pas sérieux
Le pire, Remy, c'est que tu vas devoir écrire une suite à cette histoire...
Tu ne peux nous laisser trop longtemps en attente de connaître l'évolution du couple ainsi formé, et de l'enfant qui va naître, et on voudrait savoir s'ils ont été guéris de leur mal d'amour, de leur solitude. Et la mouette dans tout ça ?
Tu ne peux nous laisser trop longtemps en attente de connaître l'évolution du couple ainsi formé, et de l'enfant qui va naître, et on voudrait savoir s'ils ont été guéris de leur mal d'amour, de leur solitude. Et la mouette dans tout ça ?
Guilaine- Messages : 1122
Lieu : Calais
Langues : Français (Langue maternelle), Gb, De, Es,It
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